Entre 16 et 21 ans, de 1940 à 1945,
Jacotte Perrier écrit son journal intime et se raconte.
C'est la vie d’une adolescente parisienne, en pleine guerre, à l’heure des restrictions et des questionnements intimes. Comment étudier, se divertir, être émue par des garçons, danser, rêver ? Quelle est sa place en tant que jeune femme dans la société nouvelle qui sera celle de l’après-guerre ? Quel sens donner à ses valeurs, à sa volonté d’engagement malgré les libertés contraintes ?
Ses carnets deviennent presque du journalisme quand elle relate en temps réel les événements de la Libération de Paris en août 1944, auxquels elle assiste depuis Montmartre.
Sur scène, une comédienne et un décor constitué par des photos de Jacotte Perrier, de son journal, des archives de la famille. Parmi ce décor tourne un Revox, antique magnétophone qui diffuse une création sonore issue de documents historiques et des archives de la famille de Jacotte Perrier : voix, notes de pianos, rires, sortent des bandes magnétiques et nous plongent au cœur de l’appartement des Perrier et au milieu de la foule lors des défilés de la Libération.
Adeline Chagneau incarne le texte de Jacotte Perrier. Le phrasé, le rythme de l'écriture, nous renseignent sur la jeune femme que pouvait être Jacotte : une parisienne frondeuse, un témoin éclairé de ce qui l'entoure, une jeune femme partagée entre ses questionnements intimes et cette guerre qui l'empêche d'éclore. Adeline donne à voir et à entendre cette parole avec une énergie contemporaine. Malgré les années qui nous séparent de l'écriture de ce texte, on se reconnaît dans les doutes, les aspirations et les questionnements sur la société qu'il porte.
Texte Marie-Jacques "Jacotte" Perrier
Conception, mise en scène et habillage sonore Norman Barreau-Gély
Interprétation Adeline Chagneau
Coproduction Alambic' et Festival du Journal intime de Saint Gildas de Rhuys
Festival du Journal intime, juin 2021 ©Rachel Bénéat / Nouveau Studio Théâtre, septembre 2021 @ Raphaël Lefebvre
Spectacle créé le 27 juin 2021 au Festival du Journal intime de Saint Gildas de Rhuys
Le spectacle a obtenu le label d'état Mission Libération.
Diffusion : Festival du Journal intime (Saint Gildas de Rhuys - 56), Nouveau Studio Théâtre (Nantes - 44), Théâtre Francine Vasse (Nantes - 44), La Castelorienne (Montval sur Loire - 72), tournée À ciel ouvert dans des établissements accueillant des personnes âgées, collèges La Perverie et Stendhal (Nantes - 44), collèges Frida Khalo et Quéral (Pontchâteau - 44), Orpan (Nantes - 44), La Soufflerie (Rezé - 44), Collège La Ville aux roses (Chateaubriant - 44), collèges Auguste Maillous (Le Lorroux Bottereau - 44), collège Gérard Philipe (Carquefou - 44), Collège Helder Camara (Treillières - 44), Collège Sainte Jeanne d'Arc (Rohan - 56).
Prochaines dates à venir avec la Bibliothèque Départementale de Loire Atlantique dans le cadre du plan Grandir avec la culture
autour du spectacle
Parcours d'Education Artistique et Culturelle :
Paroles de l'intime.
En lien avec Le Journal intime de Jacotte Perrier, nous interrogeons les élèves de 3ème et de lycée sur leur rapport au journal intime et leur proposons d'enregistrer un podcast.
Le podcast
Pour la création de ce podcast natif, nous avons utilisé le carnet 1944 auquel nous avons ajouté des extraits sonores issus de bandes magnétiques enregistrées au R-26 dans les années 50 ainsi que des interprétations contemporaines des chansons de Madeleine et Robert Perrier.
Texte Marie-Jacques "Jacotte" Perrier
Voix Adeline Chagneau
Guitare Philippe Eveno
Piano Robert Perrier et Stéphane Grappelli
Chant Clair, Josette Martin, Jacotte Perrier
Montage et création sonore Norman Barreau-Gély
Sur une idée de David Rolland
© Alambic'- collectif artistique
Avril-mai 2020.
"Lundi 3 janvier 1944
En, 1944 je reprends la résolution si souvent abandonnée d'écrire mon journal quotidien. (...) La mémoire a besoin de points d'appui pour s'exercer et ces points d'appui c'est toi, mon cher cahier, qui les lui fourniras (...). Dire que nos cinq plus belles, plus irremplaçables années vont être bouffées par cette guerre monstrueuse, dire que de 15 ans à 20 ans notre jeunesse s’épanouit dans la fange et sans air… c’est affreux..."
"Jeudi 6 janvier 1944
Quand les Tranchant viennent, il me semble qu’il ne s’est passé que cela dans la journée.
Cependant mentionnons rapidement le reste : Ma professeur de piano vient mais l’alerte la chasse au bout d’un quart d’heure. (...) Cette année cela m’ennuie car elle ne me fait faire que de la technique, du Bach, et autres barbes..."
"Dimanche 16 janvier 1944.
J'ai demandé à Jimmy de m'accompagner à la surprise-party chez les Abeille.(...)
Quand je repense à la manière dont se passe un bal et que je revois tous les danseurs qui se choisissent par attirance ou par charité, je trouve cela un peu humiliant; Même si nous mourrons d'envie de danser, il nous faut attendre le bon plaisir de ces messieurs !..."
"Jeudi 23 mars 1944
Gouter à la maison. Jean-Pierre Dariel vient pour que maman fasse des paroles sur sa chanson. Entre autres gâteaux de haricots… Les goûters qu’on fait maintenant sont plutôt des casse-croûtes pour troupiers végétariens. (...) Marie-Jo vient chercher son tablier. Je lui dis de venir avec son frère, Jacques, car j’ai envie de connaître des garçons et de danser. Ça me fait penser qu’elle trouve drôle que je lui parle de Jacques. Que les conventions rendent donc les rapports difficiles entre garçons et filles !"
"Dimanche 9 juillet 1944
Papa et maman partent à Montreuil faire le ravitaillement à bicyclette. Ils ont l’air d’un tout jeune couple. Alerte à 10 h 30. Je demande un prêtre à St-Jean pour la confession. J’ai horreur de demander spécialement à me confesser, cela me donne encore plus peur ! Je lui ai débité mes péchés, il m’a dit que, dans l’ensemble, il fallait éviter de pêcher, ne pas faire des confessions une routine etc."
"Jeudi 13 juillet 1944
Miracle ! Papa et maman ont trouvé des prunes. Les premières depuis trois ans !
Nous nous lavons avec une grosse lampe à accu.
À 5 heures, je descends au bureau de papa à pied. (Vu les pompiers qui éteignent une voiture en feu). Papa explique que nous allons chercher rue Broca un pédalier pour sa bicyclette. Il insiste un peu pour que je l’accompagne..."
Chanson La Pluie sur le toit.
"Mardi 18 juillet 1944
nous allons au Racing. On rencontre Colette Gérard bronzée et belle fille, avec son grand gosse d’ami Roger qui se casse en deux pour baiser la main de maman et lui présenter ses hommages venus de très haut (1,90 m au moins). Le voilà donc ce Racing des gens chics, des Snobs, des élégances..."
"Mercredi 16 août 1944
Des nuages très graves pèsent au-dessus de la capitale. Des affiches violettes posées ce matin annonce la suppression des cartes d’alimentation et le remplacement par une inscription dans un restaurant qui vendra des plats cuisinés. Ceci parce que le gaz sera coupé dès demain..."
"Dimanche 20 août
13 heures. La bagarre recommence autour la mairie du 17ème, (...)le téléphone n'arrête pas – c'est grâce à lui et à la rue qu'on sait. Les nouvelles circulent très vite en ce qui concerne les événements dans Paris. Par contre, depuis 10 jours et spécialement ces 3 derniers, on ne sait absolument pas où sont les troupes Alliées, proches de Paris. Là-dessus, tous les bobards courent. En sorte que le vrai jour de l'arrivée, nous ne serons même plus étonnés car on nous l'annonce chaque matin..."
"Lundi 21 Août 1944
On dit que la police a laissé certaines grandes artères aux Allemands pour partir. En dehors de ces voix, elle tire sur eux. Oui, l'armistice « Allemands-police » est bien rompu. Canon, bombes. Nous ne sortons pas de la maison. Pendant que je fais de la gymnastique, 2 balles sifflent très près, sur le balcon. Je m'aplatis instinctivement. La mort passe…"
"Mercredi 23 août 1944
Café chez les voisins. Illusion du café pris dans un grand hôtel des bords de mer. En fait du bruit de la mer, le bombardement a repris intense au Sud-Est. C'est un roulement continu, pendant 5 minutes quelquefois, qui dure depuis cette nuit et fait mal à entendre. Personne ne doit pouvoir y résister. Ce doit être intenable, là-bas..."
"Jeudi 24 août 1944
Des ordres sont criés dans la rue « Fermez les compteurs à gaz, il est très dangereux de s'en servir ». « Éteignez les lumières, laissez toutes les portes d'immeubles ouvertes pour que les FFI poursuivis puissent se réfugier », et cela met un peu d'angoisse. Que se passera-t-il cette nuit ?..."
"Vendredi 25 août 1944.
Neuf heures. Réveil en face d’un ciel extraordinairement radieux. Nous le savourons en commun autour de la table du breakfast, naturellement dressée dans l’atelier. C’est un grand jour. Aussi papa coupe des tranches de jambon tandis que Mme Laporte apporte le café. Vin blanc et Armagnac de Lencloître entament cette journée de fête. Puis, c’est la joie exquise de la pose des drapeaux. Cette fois, on ne nous les fera plus enlever ! L’immeuble, les immeubles, sont un véritable décor de théâtre..."
"Vendredi 25 août 1944 - 16h30
Chaque voiture qui passe est acclamée. FFI ou américains, pompiers ou agents, voient devant eux des bras s’agiter, des sourires s’épanouir, des bravos retentir. Çà et là nous approchons une voiture américaine pour récolter une parole, un geste, un sourire, d’autres des cigarettes ou des conserves. Je me moque des denrées mais je demande une boîte vide, en souvenir « may i take the box ? ». « Yes you may ». Oh ! Enfin des hommes qui nous permettent quelque chose, après avoir subi quatre ans ceux qui nous empêchaient tout..."
"Samedi 26 août 1944
Au réveil deux seules pensées : les allemands ne sont plus là (et celle-ci n’éveille rien en moi car je n’ai pas encore pu l’assimiler) et, les nôtres sont là.
(Cette dernière met tant de joie que mon cœur, avant mes lèvres et mes yeux, sourit au soleil radieux sur le drapeau d’en face).
Aujourd’hui nos troupes défileront, le lendemain de leur arrivée, tandis que des salopards tirent encore sur les toits, n’est-ce pas magnifique ?"
"Samedi 26 août 1944 - 20h
Au café, coup de sonnette de madame Laporte : « j’en ai trois chez moi, ils dînent, venez vite ! » en effet sur son balcon sont deux officiers anglais et un américain. Encore une fois je n’en puis croire mes yeux et mon cœur bondit de joie « May i Kiss you ? It’s so wonderful to see you here ! Are they real ones ? » je ressens le besoin de toucher leurs vêtements pour croire..."
"Jeudi 31 août 1944
Ménage - piano - J’entends dans la rue des appels. Du haut du balcon qu’aperçois-je ? Une Jeep avec 3 soldats, et, autour, nos amies Françoise et Jo Biehler ! Elles se sont accrochées à eux quand elles montaient à bicyclette ! Je n’hésite pas une seconde à crier “ Je descends”..."
Jeudi 31 août 1944 - 21h
Nous redescendons dans l'atelier. Jack joue des airs de jazz avec Papa et Maman parle à mi-voix avec le 3ème qu’elle finit par convaincre de rester à dîner avec les 2 autres ! Oh ! quelle joie ! encore des heures à passer avec eux et l’occasion de leur offrir quelque chose. C’est splendide. Ephrussi a un rendez-vous à décommander à Molitor… et voilà qu’il propose de nous y emmener, nous, les trois filles, dans sa Jeep ! Je saute en l’air..."
"Jeudi 7 septembre 1944
Lundi le métro remarchera, permettant au commerce de reprendre. Demain sera posée l'affiche annulant les lois vichyssoises. Bientôt nous recevrons du chocolat arrivant d'Amérique par plein d'avions (c'est très conte de fées). L’électricité nous sera peut être rendue dans 15 jours. Oh ! Tous ces « futurs » proches, qu'ils sont vivifiants ! Je pars à Bicyclette, vent, soleil..."
"Mardi 3 octobre 1944
Encore un coup de téléphone, coup de théâtre, Felix Rosan s'annonce pour déjeuner ! Nous retrouvons des amis après 4 ans de total séparation. Félix Rosan travaillait avec Papa et Maman avant guerre, ensemble ils écrivaient des sketchs et des chansons pour le cabaret Chez les Nudistes. Aujourd'hui Il arrive en FFI..."
"Mercredi 4 octobre 1944
Madame Ferrat dit « qu'elle ne votera pas car ce n’est pas l’affaire des femmes » quelle lâcheté ! J’aime mieux entendre notre voisine, la vraie ménagère, qui n’a jamais fait de politique, mais se tient maintenant au courant afin de voter honnêtement. Oh nom ! Plus de défaitistes, de déçus, de rogneurs. Plus de désabusés, d’hésitants, d’incrédules..."